Ce projet se propose d’appliquer le concept de translocalité, issu du renouvellement de la recherche transnationale et globale mais encore guère exploité en histoire, à l’étude d’une famille de négociants hambourgeois de la seconde moitié du XVIIIe au début du XXe siècle. De par son expansion à l’espace allemand, européen puis asiatique, le cas de la famille Meyer permet d’approcher au plus près la manière dont les individus vivaient la globalisation et la globalité en train de se faire sur le temps long. L’important fonds familial des Meyer rassemble en effet une grande variété d’écrits du for privé, tels des récits de voyage, journaux et souvenirs ainsi que de la correspondance permettant de mieux saisir la subjectivité et les pratiques des acteurs dans le cadre des processus de globalisation. Ce faisant, le projet s’inspire des approches microhistoriques du global ainsi que des recherches sur les sujets transnationaux.
Bien qu’il s’inscrive dans les réflexions de l’histoire transnationale, le concept de translocalité est au cœur de l’analyse. En effet, le projet a pour objet la mobilité d’une famille entre différents espaces reliant le local au global, où le national n’apparaît que sporadiquement. Le translocal est particulièrement adapté à ces situations, car il souligne les tensions entre mobilité et localité et permet d’observer la modification des structures qui en sont issues, notamment dans le cadre familial. Suivant ces réflexions, le projet étudie six générations dans un contexte d’intensification des connexions transnationales et transculturelles, d’élargissement des horizons de pensée et d’action ainsi que de l’amplification sans précédent des liens économiques et commerciaux. Les conséquences de ces processus sur les structures, les formes organisationnelles, les perceptions et les appartenances de cette famille sont interrogées au moyen de trois axes. Le premier questionne les relations entre famille et négoce, tandis que le second s’attache à étudier les perceptions et le vécu de l’espace lors de la mobilité dans un monde de plus en plus intensément et rapidement connecté. Enfin, le dernier axe analyse les structures sociales communautaires dans lesquelles s’intégraient les Meyer, de la communauté marchande de Bordeaux à la fin de la période moderne à la société coloniale de Singapour. Unissant des champs de recherche encore peu considérés ensemble, notamment l’histoire globale et transnationale, familiale, du genre et des émotions, le projet contribuera ainsi à une meilleure compréhension de la globalisation en train de se faire et le développement d’une conscience globale selon la perspective des acteurs.